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revue de presse - Page 4

  • Revue de presse BD (166)

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    Agrippine face à Claire Bretécher.

    + Rare femme à exercer ses talents dans le domaine de la BD, et plus encore de la BD humoristique, Claire Bretécher fait l'objet d'une grande exposition à la bibliothèque du musée d'art moderne Pompidou (jusqu'au 8 février). Brétécher, qui travailla notamment pour le compte de "Pilote", "Spirou" et "Le Nouvel Observateur" mérite plus le titre d'auteur satirique que celui de "sociologue", dont le pédantissime Roland Barthes l'affubla. On est bien placé au pays de Molière pour savoir à quel point la satire et la religion, rebaptisée "sociologie" dans les temps ultra-modernes, s'opposent. Si Molière avait été sociologue, se contentant de refléter son époque, il y a longtemps qu'il serait tombé dans l'oubli.

    Interviewée récemment sur ses années passées à "Pilote", sous la direction de R. Goscinny, Claire Bretécher n'a pas hésité à dénigrer les rebelles de "Mai 68" qui poussèrent Goscinny à la démission, les traitant de fils à papa et de faux rebelles (Gotlib, Moebius, Druillet) (in : "La Révolution Pilote", Dargaud, 2015). On est tenté de lui donner raison, quand on voit le nombre de philosophes de plateaux télé, plus creux les uns que les autres, que "Mai 68" a engendré, dissimulant leurs comptes en banque derrière des options humanistes. Mais à travers cet affrontement entre générations, typiquement viril, se trouve quand même posée la question, plus intéressante, du duel entre la bande-dessinée, destinée aux enfants, et le dessin de presse, visant un public plus large, ou encore de la rivalité entre le "Pilote" de Goscinny et le "Charlie-Hebdo" de Cavanna.

    "Le Figaro", quotidien du bourgeois qui s'assume, rend aussi hommage à Bretécher à travers un quiz de cinq questions sur sa carrière de dessinatrice.

    + Hasard ou calcul, l'attentat de la mi-novembre à Paris visait un quartier "bobo" de Paris ; c'est précisément la culture que Bretécher brocarde à travers le personnage d'Agrippine, adolescente élevée dans un milieu "humaniste"... mais néanmoins aisé. Les blogueuses-BD d'aujourd'hui sont un peu les petites soeurs d'Agrippine, et Pénélope Bagieu la plus célèbre a réagi aux attentats par un strip, sur le mode : "J'y pense et puis j'oublie."

    + En Iran, à Téhéran, le caricaturiste Hadi Heydari ("Persian Cartoon") a été arrêté à cause d'un dessin fait pour témoigner de sa solidarité avec les victimes des attentats de Paris ; il a probablement été interpellé par les services secrets de son pays. Faut-il le rappeler, l'Iran est en guerre froide avec les Etats-Unis et ses alliés, dont la France. En revanche, en Belgique, c'est l'humoriste Dieudonné Mbala-Mbala qui a été condamné à deux mois de prison ferme pour "antisémitisme". La sympathie de Dieudonné pour le régime iranien est connue.

    Le contexte de l'état d'urgence ne fait qu'accroître la sévérité de la condamnation de cet humoriste ; le condamner en ces circonstances revient à le désigner comme complice des djihadistes. Quand Dieudonné avait fait l'objet de poursuites et de pressions fiscales de la part du gouvernement de Manuel Valls, rares furent ceux qui osèrent prendre publiquement sa défense au nom de la liberté d'expression (Jack Lang, Plantu). Même si c'est sans doute inéluctable, on peut regretter qu'autant de caricaturistes et d'esprits soi-disant libres se laissent entraîner dans le "choc des cultures", stratégie de radicalisation des deux camps.

    + Alors que le salon du livre pour la jeunesse de Montreuil s'apprête à ouvrir ses portes (2-7 décembre), le webzine culturel Actualitté en profite pour dénoncer la moindre rémunération des auteurs et illustrateurs de livres pour enfants. Néanmoins le prétendu "préjugé" contre la littérature de genre ou la littérature spécialisée s'explique très bien d'un point de vue critique et littéraire par la prétention des plus grands auteurs à produire une littérature universelle, et non pas seulement destinée à une catégorie de lecteurs. Hélas l'argument égalitaire dissimule bien souvent, qu'il soit conscient ou non, un mobile mercantile ; la spécialisation de la littérature est avant tout une question d'édition et de librairie, bien plus que d'art et de littérature. C'est sûrement ne rien comprendre à l'art et la littérature que de les envisager seulement sous l'angle de la production et du marché. La mise en avant de grands principes, dans le domaine de la culture, est un cache-misère. La littérature de genre se vend parfois très bien, et ses auteurs sont bien rémunérés. La Comtesse de Ségur fit ainsi fortune avec ses livres pour enfants ("Les Malheurs de Sophie", etc.), et son statut était tel qu'elle pouvait embaucher et virer les plus prestigieux illustrateurs de la place de Paris. Son éditeur avait déniché la poule aux oeufs d'or.

    + La médiathèque F. Sagan (Paris Xe) abrite (jusqu'au 31 janvier) une exposition sur le thème de l'illustration de livres pour enfants. L'illustrateur britannique Anthony Browne parlera dans ce cadre (4 déc. à 19 h) de son travail ; créateur du personnage de "Marcel" ("Willy" en anglais), A. Browne tire le principal de ses revenus de la vente de cartes de voeux, ce qui lui permet d'être plus exigeant quant aux autres publications.

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    Marcel par Anthony Browne.

     

  • Revue de presse BD (165)

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    Jérôme Bosch - Le Jardin des Délices (détail)

    + Un certain confort moderne occidental a pu faire oublier le constat philosophique de la banalité du mal. La violence ne fait pas moins partie de la culture que la peur ou le plaisir. Peintre des facettes de la monstruosité humaine, Jérôme Bosch (1450-1516 environ) s'imposait en frontispice de la revue de presse de cette semaine très agitée (Bosch dont les peintres surréalistes ont donné une interprétation erronée).

    + Peut-on rire de tout ? C'est sans doute plus facile quand on n'est pas directement concerné. Le gouvernement russe a officiellement protesté contre plusieurs dessins parus récemment dans "Charlie-Hebdo" (6 nov.), tirant un parti comique de l'attentat contre un avion civil russe au-dessus de l'Egypte. Le Kremlin utilise l'expression typiquement soviétique de "blasphème contre la démocratie". La démocratie blasphème contre elle-même quand elle est tributaire d'une industrie et de budgets militaires au point où le sont la Russie et la France.

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    Deux dessins parus dans "Charlie-Hebdo" (signés Gros et Juin) jugés blasphématoires par le Kremin.

    + Le mot de "guerre" a récemment été prononcé par plusieurs représentants de l'Etat. La mobilisation et l'unité nationale, si elles sont favorables au militantisme et à "l'art engagé", ne sont guère propices à la satire, plus désarmante ; la plupart des caricaturistes sont contraints en temps de guerre de "choisir leur camp", tel l'anarchiste Poulbot, réquisitionné par la propagande. La Une de "Charlie-Hebdo" cette semaine, grâce à Coco, évite de tomber dans le manichéisme façon "salauds de terroristes contre bons flics républicains". Après ses dessins sur les victimes russes, "Charlie-Hebdo" ne pouvait faire moins que d'ironiser aussi sur les attentats de Paris.

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    + Depuis la fusillade meurtrière de "Charlie-Hebdo", et en raison du développement des réseaux sociaux, on assiste à l'émergence d'un nouveau genre d'art brut. Des centaines d'hommages aux victimes, sous la forme de dessins, ont été publiés sur Facebook et Twitter au cours des heures qui ont suivi la fusillade au Bataclan - certains dans un style très sulpicien, mettant en scène Marianne, figurant la République émue aux larmes par la perte de ses enfants. 

    Plus attentif aux détails (trop ?) le dessinateur américain de super-héros, Lee Joel Bermejo, semble avoir remarqué, vu son hommage, que les kamikazes du Bataclan ont déclenché leurs tirs un Vendredi 13 sur les paroles de "Kiss the Devil" (embrasse le diable) du groupe "Eagles of Death Metal". Les membres du groupe sont miraculeusement sortis indemnes du carnage.

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    + Caricature presque assumée du "bobo", Joann Sfar donne son avis sur Instagram, Twitter et dans le "Huffington Post". Mais le dessin d'opinion est le contraire du dessin satirique. La tentative de J. Sfar d'imposer le culte de soi-même en guise de religion la plus oecuménique prêterait à sourire si les opinions de Sfar n'étaient pas reprises par des journalistes se prétendant sérieux.

    On regrette que les caricaturistes français n'aient pas été plus nombreux à "prendre du recul", à l'instar du Suisse Chappatte (ci-dessous), car si à ce train-là il n'y aura bientôt plus que les armes qui auront du recul.

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    Dessin de Chappatte (International Herald Tribune).

    Encore au chapitre de la violence, la bibliothèque Saint-Simon (Paris, 7e) organise une rencontre sur le thème de la "violence faite aux femmes" le 26 novembre ; autour de Marie Moinard, éditrice qui regroupa une centaine d'artistes à l'ouvrage dans trois BD successives dénonçant les brutalités dont sont parfois victimes les femmes (inscription : bibliotheque.saint-simon@paris.fr).

    On peut cependant se demander si la violence dans le monde moderne ne requiert pas une approche plus large, tant elle prend des formes variées et subtiles ; on comprend que les associations qui viennent en aide aux victimes soient spécialisées, mais l'étude ne devrait pas l'être autant. Le thème de la violence des riches est rarement abordé, alors que la richesse est probablement le premier facteur de violence dans le monde, la première cause d'inégalités (non seulement les relations entre sexes opposés).

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    Affiche pour "En chemin elle rencontre..." (Marie Moinard).

  • Revue de presse BD (164)

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    Croquis de J. Tardi pour "Avril et le Monde truqué"

    + Jacques Tardi ("Adèle Blanc-Sec", "Nestor Burma") a supervisé un dessin-animé actuellement à l'écran, "Avril et le Monde Truqué". Il s'agit d'une uchronie, c'est-à-dire d'un genre politique qui consiste à refaire le monde du passé. Le dessin-animé est un art techniquement fascinant, et Tardi et son équipe ont choisi un scénario qui implique de nombreuses machines fantastiques qui rappellent les créations de l'auteur de BD et caricaturiste Albert Robida (1848-1926) ; celui-ci anticipa dans ses dessins les méthodes de guerre ultra-violentes du XXe siècle, ainsi que le téléphone, la pollution, le féminisme et le tourisme de masse.

    + Dans "C'était Charlie", Philippe Val, ex-rédacteur en chef de l'hebdomadaire satirique règle ses comptes avec son camp politique, accusant en particulier la "gauche radicale" de collaboration avec l'islam. "On n'a pas été chercher l'islam, c'est l'islam qui est venu nous chercher !", a déclaré P. Val dans une interview à "Europe 1" aujourd'hui. Le fait est que les pamphlets contre le Coran étaient surtout le dada de Charb, héritier d'un anticléricalisme républicain indissociable de la propagande colonialiste du siècle dernier, et ignorant du fait religieux contemporain (la culture de masse n'est pas moins religieuse que l'islam).

    Chacun se fera son opinion sur les schismes à l'intérieur de la gauche, consécutifs à l'exercice du pouvoir par ce parti pendant plusieurs décennies (l'idéalisme a fait place à un machiavélisme de plus en plus évident) ; mais on peut se demander ce qui a pu pousser une personnalité aussi étrangère à l'humour et à la satire, tel qu'est toujours apparu P. Val dans ses éditoriaux et ses chansons, à s'en mêler. "Charlie-Hebdo" était principalement redevable à P. Val de sa gestion de bon père de famille, et c'est d'ailleurs l'argument que Cabu utilisa toujours pour défendre son ami.

    + La bibliothèque numérique de la ville de Paris vient d'ouvrir et propose donc l'emprunt de livres sous la forme de fichiers numériques aux Parisiens. Certains en contestent déjà le principe, sous prétexte qu'il ne serait pas égalitaire. Mais qu'y a-t-il de moins égalitaire que la lecture ? Certains lisent pour se divertir, tandis que d'autres, au contraire, cherchent par la lecture à échapper au divertissement.

    Plus intéressante la question des méthodes d'achat de nouveaux livres par les bibliothèques, à Paris ou ailleurs. Ces méthodes sont en effet particulièrement opaques. Elles pèsent beaucoup sur la survie de certains auteurs ou éditeurs, tant les volumes sont importants. Certains choix peuvent surprendre comme l'achat de "best-sellers" par les bibliothèques, ou encore l'importante proportion d'ouvrages du XXe et XXIe siècle, en comparaison d'ouvrages plus anciens plus rares. Il semble que la conception la plus vague de la culture préside au choix des nouvelles acquisitions.

    Une association de lecteurs en Seine-Saint-Denis dénonçait récemment le contrôle exercé par les autorités politiques de ce département sur l'approvisionnement des bibliothèques. Mais le contrôle des bibliothèques représente probablement un enjeu politique moindre, en comparaison du contrôle de la presse et de la télévision.

    + Dans la mesure où elle est liée à la fiction, notamment celle destinée aux enfants, la BD est proche parente de l'architecture ; l'intérêt de certains auteurs pour cet art abstrait n'est donc pas surprenant ; en particulier lorsque cet auteur vit comme François Avril à Bruxelles, ville très variée sur le plan de l'architecture, à l'opposé de Paris qui évoque plutôt une gigantesque caserne.

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    Gratte-ciel par François Avril, exposé jusqu'au 21 novembre à Bruxelles (galerie Huberty-Breyne).

     

  • Revue de presse BD (163)

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    Illustration de Placid, artiste modeste.

    + Chroniqueur radio, Yassine est notamment spécialiste des fanzines BD ; il a enregistré une émission de radio en direct du festival du fanzine branché organisé chaque année à la médiathèque Duras. Au cours de cette émission, que l'on peut écouter (en podcast), Yassine converse avec Capitaine Caverne et Placide, abordant leur thème préféré : les fanzines des années 80. Tout le monde s'accorde à dire que l'internet a pas mal changé la donne en matière de fanzines. Placide rappelle aussi que la plus grande fierté consistait alors à voir son nom ou celui de son fanzine cité par le caricaturiste Willem, qui tint une chronique dans "Charlie-Hebdo" et "Libé" dédiée à ces publications discrètes.

    En prime on peut écouter au milieu de l'émission un poème dit par feu le Pr Choron : "Ah, se branler un soir sur un toit par un soir de grand vent, etc."

    + Petit reportage vidéo consacré à Sardon, tampographe pour rire et pour gagner sa vie à Paris de façon aussi indépendante que possible contre le cimetière (du Père Lachaise). Brièvement V. Sardon explique son métier.

    + De l'usage de "Charlie-Hebdo" par les mass-médias : Coco et Riss sont sur le plateau du "Grand Journal" de "Canal+", traités comme des vedettes, pour y raconter leur vie après l'attentat. On est un peu gêné d'entendre Riss déclarer qu'il entend continuer son "combat politique" ; en effet la ligne politique de "Charlie-Hebdo" et de Riss est on ne peut plus floue pour le lecteur ; soutiennent-ils, par exemple, le gouvernement et le ministre de l'Intérieur qui mettent à leur disposition une protection policière ? Ou se moquent-ils de ce gouvernement comme des autres ? Plusieurs décennies d'exercice du pouvoir par la gauche en France ont usé la "satire de gauche" - sans doute pas au point de voir un "humour de droite" émerger, mais en termes de "politiquement correct", "Charlie-Hebdo" n'a plus rien à envier au quotidien d'Eric Zemmour et Serge Dassault.

    + "Juin" est une des nouvelles recrues de "Charlie-Hebdo", qui signe le dessin ci-dessous :

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  • Revue de presse BD (162)

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    + La petite souris de Plantu et son auteur bénéficient d'une tribune de premier plan, à savoir la "Une" du "Monde". Dans "Souris et tais-toi", à paraître en novembre prochain, Plantu aborde la question de l'autocensure et du "politiquement correct" croissants. On sait que Plantu ne fait pas l'unanimité au sein des dessinateurs de presse, pour diverses raisons (de son vivant, Cabu n'hésitait pas à l'égratigner). La meilleure raison est que Plantu officie au "Monde", quotidien pas très sérieux d'un point de vue satirique.

    La censure est en Occident surtout officieuse et indirecte. A. Huxley faisait remarquer que la "liberté sexuelle" ou la "liberté de jouir" devient la seule liberté dans les pays capitalistes ; en effet, rien n'est plus "politiquement correct" que la pornographie aujourd'hui. La quantité astronomique d'ouvrages parus et paraissant est aussi une cause de censure indirecte. L'exégèse universitaire est encore un autre moyen, qui consiste à amoindrir la portée de certains philosophes subversifs ; sur le plan politique, la liberté consiste principalement dans l'interdiction de l'opinion adverse.

    + Frédéric Potet, spécialiste de la BD au "Monde", conclut un "papier" d'une pleine page consacré au collectionneur Jean-Arnold Schoofs (24 oct.) par ces mots : "L'âge de l'angélisme est loin en bande-dessinée, définitivement". Le collectionneur qui cachait à sa femme qu'il dépensait leurs économies en planches de BD et dessins originaux, et à qui ses enfants en voulaient de dilapider le patrimoine familial, vient de vendre aux enchères une bonne partie de sa collection chez Sotheby's.

    + "Le Papyrus de César", dernier album d'Astérix, tiré à deux millions d'ex. a envahi les étals des libraires. C'est encore Frédéric Potet qui, dans "Le Monde" (23 oct.) décrit en détail la fabrication de cette "poule aux oeufs d'or" éditoriale. Il semble que ce n'est pas une mince affaire pour les repreneurs de la série, Conrad et Ferri, de satisfaire aux exigences du service marketing des éds Albert-René, d'Uderzo et de la fille de René Goscinny qui supervisent l'album. A certaines déclarations des auteurs, on devine qu'ils en ont déjà ras-le-casque.

    + Un nouvel accrochage a été décidé pour fêter les trente ans du Musée Picasso, installé dans l'hôtel Salé. Celui-ci renferme la plus importante collection d'oeuvres signées du pape incontesté de l'art moderne. Le ticket d'entrée, assez cher (autour de 10 euros), fait oublier que Picasso fut un pape communiste. Dans une ambiance un peu feutrée, on peut admirer une variété d'oeuvres un peu monotone : à la fois Picasso explore des sujets (le paysage n'est pas son point fort) et des techniques différentes (il a un tempérament de sculpteur), mais on reconnaît sa "patte" (de minotaure). Le culte de la personnalité est plus net que dans des musées consacrés à plusieurs artistes. Laurent Le Bon, chargé de la nouvelle disposition, explique d'ailleurs que Picasso soignait et contrôlait son image dans la presse ; à l'instar de certains politiciens, il fut son propre thuriféraire. On peut y voir une disposition d'esprit macabre et féminine, non seulement la vitalité et la fécondité dont tout le monde parle.

    "On n'a pas un Picasso sacralisé, même s'il y a énormément de chefs-d'oeuvre", indique Laurent Bon de la manière la plus ambiguë qui soit, c'est-à-dire trahissant cette nouvelle forme de sacralité contenue dans l'art moderne, qui n'ose pas dire son nom mais qui est bel et bien présente.

    + Après onze numéros, la revue de bande-dessinée "Aaarg !" distribuée en librairie doit s'interrompre, faute de trésorerie. Son rédacteur en chef Pierrick Starsky avouait déjà récemment avoir été contraint de revoir la rémunération des contributeurs à la baisse. "Aaarg !" devrait se métamorphoser en magazine mensuel et inclure quelques pages "d'actualité". René Goscinny avait réagi ainsi à la concurrence de "Charlie-Hebdo", créant dans "Pilote" des pages d'actualité.

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  • Revue de presse BD (161)

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    + Un architecte en chef des monuments historiques, Philippe Villeneuve, a pris l'étonnante initiative d'orner la Tour de La Lanterne à La Rochelle de deux gargouilles à l'effigie de Cabu et Wolinski lors des travaux de rénovation ; deux femmes nues encadrant le faciès grimaçant de Wolinski est censé souligner la ressemblance. Pourtant on avait cru comprendre d'après Cabu que le diable, c'était Sarkozy ou Le Pen !?

    + Plus vivant Wolinski, ainsi que les piliers de "Charlie-Hebdo-Hara-Kiri", Cavanna et Choron, dans cette archive filmée datant de 1972. Wolinski et Cavanna expliquent ce qui différencie leur art du militantisme. En vieillissant, "Charlie-Hebdo" deviendra de plus en plus militant.

    De plus on peut voir une altercation entre Choron et Siné, ce dernier reprochant à "Hara-Kiri" de ne pas se mêler de politique. - Les gauchistes sont des fumiers ! suggère Choron pour légender un dessin ; - Ne compte pas sur moi pour écrire un truc pareil ! réplique Siné. La subversion de la subversion par la gauche, jusqu'à en faire un code vestimentaire bobo imposé par la gauche à la droite.

    + Interwievé par le site "Actuabd" pour sa BD sur L.-F. Céline (avec les frères Brizzi, chez Futuropolis), l'acteur Christophe Malavoy donne les raisons qui l'ont poussé à adapter son idée en BD plutôt qu'au cinéma :

    - Ce film que vous vouliez réaliser est tombé à l'eau ?

    Cette production cinématographique est un gros investissement sur un sujet qui demeure délicat pour beaucoup." Autrement dit, la censure n'est pas aussi stricte en BD qu'elle l'est au cinéma.

    + La revue "Saison", produite par le site belge "Grandpapier" livre son dernier opus n°6 (faute de temps, les rédacteurs ont décidé de jeter l'éponge) ; "Saison" sélectionne les meilleurs chapitres de BD publiés gratuitement sur le site "Grandpapier". On peut lire par exemple "Les Portes de l'Enfer", par Helkarava, une sorte de version "hipster" de "L'Enfer" de Dante.

     

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    Planche extraite de "Les Portes de l'Enfer" par Helkarava (Saison n°6)

  • Revue de presse BD (160)

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    + Robert Crumb, le pape de la BD underground américaine est toujours en verve, comme l'atteste une interview donnée récemment à "The Observer" (14 oct-anglais), intitulée "Robert Crumb vous déteste" ;. Il y est beaucoup question de ses fantasmes sexuels et de ses rapports compliqués avec les femmes, mais pas que. Extraits :

    - (...) Un jour en janvier 1967, je me suis tiré à San-Francisco sans le dire à ma femme, laissant tomber mon boulot dans le commerce des cartes de voeux. La culture hippie de Haight-Ashbury [quartier de SF] où tout à commencé pour moi, c'était plein de types ne foutant rien de la journée et attendant que les femmes leur ramènent de la nourriture. La "gonzesse" devait leur procurer un foyer, leur cuisiner des petits plats, et même payer le loyer. C'était pas mal décalqué des moeurs patriarcales de nos ancêtres, sauf que nos ancêtres chassaient, eux, la plupart du temps. "L'amour libre" voulait dire le sexe et la nourriture gratuits pour les mecs. C'est sûr, les femmes aimaient ça aussi, elles faisaient beaucoup l'amour, mais ensuite elles se mettaient au service des hommes. Et même dans les groupes militants de gauche, les femmes étaient toujours reléguées au secrétariat ou aux petits boulots. On était tous sous LSD, donc ça a pris quelques années avant que la fumée ne se dissipe et que les femmes se rendent compte qu'elles avaient passé un contrat de dupes avec leur branleur de mâle hippie. Les types qui dans ces années-là surent se mettre en avant étaient tous des escrocs, des gourous qui disaient "peace and love" du bout des lèvres et ne pensaient qu'à baiser toutes leurs disciples en adoration. Timothy Leary était comme ça. Un charlatan fini. (...)"

    - Avez-vous déjà pensé au suicide ?

    - Oui. La dernière fois que j'en étais proche, c'était en 1986. J'étais au sommet de ma célébrité. La BBC est venue à la maison faire un reportage sur moi et on m'a rendu hommage à ce festival, en France, le festival international de BD d'Angoulême. Tout ça a contribué à ma célébrité. J'avais besoin d'argent, donc j'ai accepté l'offre de la BBC. Ils ont investi ma maison avec leurs caméras, leurs projecteurs et toute leur merde - c'était atroce. Ensuite je me suis rendu à ce gros festival en France, dont j'étais la vedette. Ils ont fabriqué une tête géante à mon effigie, que les badauds pouvaient traverser. Toutes mes BD étaient affichées dans cette tête géante. Une vraie torture. Il y a avait des journalistes, des photographes partout. J'étais dégoûté par cette vie. (...)

    - Le suicide de Charles [frère aîné de Robert] vous a-t-il bouleversé ?

    - Non, ça m'a soulagé. C'était un personnage sombre et tragique. La dernière fois que je l'ai vu, il m'a dit : - Si je n'arrive pas à m'en sortir, je me tuerai. C'était aussi un écrivain fascinant et intéressant. Un grand auteur de BD quand il était jeune, mais il a cessé ensuite de s'intéresser à la BD. Il était très fier de mon succès car j'étais un peu comme son élève.

    - Il y a plein de gens en Amérique qui vivent dans leur lit comme Charles [frère aîné de Robert] ; c'est un truc américain. Il y a plein de gens comme ça, des hommes et des femmes. Il était gay, n'est-ce pas ?

    - Il n'a jamais eu de relation sexuelle. Il aimait les hommes jeunes. C'est en effet un truc américain - cet isolement extrême, cette aliénation, cette solitude. (...)"

    - Mon travail a eu un vaste audience parce que j'ai usé d'une manière très traditionnelle de dessiner pour dire quelque chose d'assez personnel et délirant. (...) Donc j'étais parfaitement conscient d'essayer de toucher un lectorat avec mon travail, de ce qu'il fallait faire et ne pas faire pour que ce soit lisible, pour que ça reste distrayant.

    - C'est très commercial comme procédé pour un auteur de BD underground...

    - Mais il ne s'agissait pas de commerce. C'était une question de communication. J'utilisais mes compétences en BD traditionnelle pour faire part de mes expériences personnelles. La BD était un genre que j'avais adoré toute ma vie. Et c'était la seule manière que je connaissais d'entrer en contact avec l'espèce humaine.

    + La dernière "Université de la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme" qui s'est tenue début octobre proposait des interventions d'humoristes : Jul, Ranson, Halévêque, etc., sur le thème : "Faites l'humour, pas la haine". François Forcadell fait remarquer sur son blog que c'est plutôt gonflé de la part de la Licra et Me Jakubovicz, car ils sont à l'origine de l'éclatement de "Charlie-Hebdo" en deux clans rivaux, la Ligue ayant intenté un procès à Siné pour antisémitisme, qui divisa durablement le petit milieu des humoristes et dessinateurs de presse.

    Plus généralement, il faut dire que c'est la politisation croissante de la presse qui a accru les divisions entre artistes. De plus, l'intérêt pour la caricature d'institutions en charge de défendre la morale publique : Licra ou autre ligue de vertu, Education nationale, tel haut fonctionnaire affecté à la Commission européenne, etc., a un côté "orwellien" ; afin de préciser l'adjectif, citons donc Orwell : "Les intellectuels sont portés au totalitarisme bien plus que les gens ordinaires."

    + Rançon du succès, les auteurs de BD sont à leur tour victimes d'escrocs et de faussaires, après les artistes modernes du XIXe et XXe siècles. Sur son blog, l'auteur de BD Li-An ("Boule de Suif") a même créé une petite galerie pour éviter aux collectionneurs de Moebius de se faire arnaquer. On peut voir que les faux exposés sont assez grossiers.

    Plus inspiré ou plus vicieux (au choix), l'artiste britannique Damien Hirst, avait investi sciemment une partie de sa fortune dans de faux Picasso vendus sur e-Bay, afin de doper leur cote pour perturber les collectionneurs et illustrer ainsi le caractère aléatoire du fétichisme (si j'ai bien compris le propos de D. Hirst).

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    Dessin vendu comme une oeuvre originale de Moebius sur le site de vente aux enchères E-Bay.com